« Crise de l’autorité » ou crise de récit commun ?
« Il n’y a plus d’autorité aujourd’hui ! »,
« Tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter »,
« Peut-on restaurer l’autorité à l’école ? »…
Ces derniers mois, le terme « autorité » nous a été servi à satiété dans les médias et dans la sphère politique.
Mais qu’en est-il vraiment de l' »autorité » ? Prenons quelques instants pour y réfléchir à tête reposée…
Personnellement, je me souviens avec profonde gratitude de ce professeur d’anglais, aujourd’hui auteur de romans à succès (La Traversée du feu, Brise glace, Et rester vivant, Juke box…), qui contribua à me faire aimer la langue de Shakespeare. Je ne crois pas l’avoir entendu une seule fois menacer pour nous « apprendre l’autorité ». Et pour cause, il AVAIT de l’autorité !
Ce dont je me souviens clairement, en revanche : son intérêt certain pour nous, ses élèves, son désir de nous voir progresser, nous élever ! La confiance qu’il nourrissait en notre faculté d’évoluer, chargée de l’estime qu’il nous portait en tant qu’individus en devenir.
Un véritable carburant pour nous, jeunes adolescents.
Tous, nous avons, une ou plusieurs figures d’autorité sur notre parcours : dans le sport, le travail, la scolarité, les loisirs…Observons que ces personnes ont pour caractéristique commune de ne pas chercher à « imposer » leur autorité.
Ce serait céder à la tentation de l’autoritarisme et surtout, signifier … qu’elles n’ont pas d’autorité !!
Car, si nous regardons les choses en face, l’autorité ne s’impose pas, elle se reçoit !
Dit autrement, en termes émotionnels, elle ne se conjugue pas avec la peur, mais bien plutôt avec l’envie !
Comme le rappelait d’ailleurs le philosophe Michel Serres, l’étymologie latine du terme en atteste : « augere » (pour « augmenter »).
Je donne donc de l’autorité à celui ou celle qui me permet de « m’augmenter », c’est-à-dire de « grandir », progresser, m’améliorer et ce, dans quelque domaine que ce soit. Quelqu’un qui possède un savoir, savoir-faire ou savoir-être, source d’inspiration pour moi.
Au niveau sociétal, ces considérations questionnent les pratiques éducatives : voulons-nous des enfants (adultes de demain) seulement obéissants, ou nourris de l’envie de donner le meilleur d’eux-mêmes parce que inspirés par telle ou telle figure d’autorité sur leur parcours ?
Dans les organisations, ces mêmes considérations interrogent les pratiques managériales : voulons-nous libérer les potentiels dans une équipe ?
Comment pourrais-je être motivé(e) à faire quelque chose avec la boule au ventre ?
Pour « avoir de l’autorité sur » un enfant, un « jeune », un membre de mon équipe au travail, mes administrés, mes concitoyens … il faudrait donc déjà créer « l’alliance » avec lui/elle, à savoir : retrouver ce récit commun dans lequel l’autre peut se reconnaître parce qu’il ou elle a eu son mot à dire dans la trame de ce récit, sent qu’il ou elle peut faire partie de l’aventure contée dans le récit (et non en être mis à l’écart) et peut entrevoir la possibilité d’en sortir « grandi(e)», « augmenté(e) ».
Cela oblige un peu plus que se contenter de jouer des muscles pour « imposer son autorité » et met en perspective le mythe de « l’homme fort » !
D’ailleurs, c’est comme si cette figure exerçait d’autant plus de fascination que nous sommes dans l’incapacité de nous projeter dans un idéal individuel et collectif. Comme si cette incapacité nous rendait aveugles aux faits : les drames de l’Histoire et les études qui montrent que le tout punitif est inefficace pour dissuader.
D’où cette question essentielle : quel modèle de réussite, d’élévation, notre société au sens large, mais aussi notre organisation, notre équipe… valorise-t-elle et propose-t-elle à celles et ceux à qui on voudrait imposer (« apprendre ») l’autorité ?
Alex Febo
Et vous quelles sont vos figures d’autorité ?